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Économie et Développement

Eau et économie

L’économie consiste à répartir avec justice un bien rare selon un certain nombre de critères choisis pour le valoriser. L’économie est donc politique dans la mesure où elle traduit des choix de préférences. Elle est également sociale par les conséquences qu’elle entraîne pour ceux à qui elle s’applique.

L’eau, indispensable à la vie, n’est pas un bien comme les autres. L’économie qui la concerne est souvent une aide à la réflexion, pas toujours une aide à la décision, tant une approche éthique doit savoir prendre le relais du calcul économique et garder l’avantage sur lui. Le raisonnement et la quantification économiques sont des outils indispensables pour conduire et améliorer la gestion de l’eau. En leur absence, l’à-peu-près et l’arbitraire s’installent aux dépens de tous et de l’existence même de la ressource hydraulique. Des chiffres approximatifs se corrigent plus aisément qu’un chiffrage jusqu’alors lacunaire ne se crée.

Là où l’eau est abondante, la richesse finit par apparaître grâce au travail des hommes. Là où l’eau n’est pas présente ou presque, demeure le plus souvent la pauvreté. Gérer économiquement l’eau est quasiment synonyme de lutter contre la pauvreté. L’économie de l’eau  est un vecteur essentiel de l’amélioration des conditions de vie et de la cohésion de la société tout entière. Cet aspect de la solidarité entre riches et pauvres, est au cœur de l’équipe de l’Académie de l’eau, réunie pour réfléchir aux divers moyens de la favoriser.

Quelques questionnements auxquels les travaux de l’Académie cherchent à répondre peuvent être évoqués : Comment organiser et maîtriser les transferts financiers concernant l’eau et l’assainissement ? Quels sont les prix de l’eau ? Comment résultent-ils des diverses formes de tarification ? Quelle complémentarité doit-on encourager entre une fiscalité centralisée et des taxations régionalisées ? Quels sont les territoires de décision et d’action les plus appropriés ? Quels sont les impacts des normes et directives européennes sur l’économie locale de l’eau ?

De telles réflexions concernent aussi bien des cas étudiés en France, que d’autres en Europe, dans les pays membres de l’OCDE, ou encore dans des pays moins avancés. Ces études sont l’occasion de faire progresser les connaissances sur les grandes données sur l’eau comme le patrimoine hydraulique installé et les dépenses de fonctionnement qui lui correspondent. De manière analogue, un intérêt soutenu est porté à la part destinée à la gestion de l’eau provenant des aides multilatérales, de l’aide publique au développement dispensée par les pays donateurs, de la coopération décentralisée des collectivités et des associations.

Les études comparatives permettent de cerner des notions comme le prix abordable, le consentement à payer, la solvabilité des municipalités ou des institutions locales vis-à-vis des dépenses à consentir pour l’eau et l’assainissement. Ce dernier point débouche sur la question clef en matière d’économie de l’eau de la capacité d’emprunter, puis de faire face au service de la dette.

L’Académie de l’Eau suit les diverses controverses qui se succèdent sur l’économie de l’eau au sens large (grand cycle et petit cycle): recouvrement intégral de l’eau (full cost recovery) ou recouvrement acceptable ? Mise en régie des services d’eau ou diverses formes contractuelles de délégation de service public (ou collectif) ? Partage des gains de productivité et modalités du contrôle de gestion de l’eau ; prise en charge de l’amortissement et du renouvellement des ouvrages ; solidarités existant entre l’amont et l’aval, l’urbain dense et le rural dispersé, les zones côtières et l’hinterland, les dépenses d’assainissement et les recettes de l’eau potable.

Les jumelages entre collectivités riches et pauvres pour l’eau et l’assainissement sont-ils efficaces ? Quelles sont les règles à promouvoir dans la compétition entre la distribution de l’eau potable par réseaux ou bornes fontaines et celle effectuée par bonbonnes et bouteilles ? Quels sont les avantages et limites de notions comme l’eau virtuelle ou empreinte eau, comme les instruments de marché de droits d’eau (droits à prélever, droits à polluer) ? Mises en œuvre et contraintes des principes usagers-payeurs et pollueurs-payeurs ; couverture financière des risques liés à l’eau (inondations, sécheresses et autres calamités).
Cette liste disparate pourrait aisément être allongée car l’eau intervient partout et à tout moment dans la vie de nos sociétés.

L’ambition de l’Académie de l’Eau est de contribuer à enrichir la réflexion sur tous ces sujets, à participer aux débats qu’ils occasionnent et à les susciter en organisant des évènements (colloques, créations de réseaux, publications) permettant de les élargir à de nouveaux participants.

Les instruments économiques de la gestion de l’eau

La politique de l’eau menée en France comme dans la plupart des autres pays a longtemps accordé une place prépondérante à des réalisations destinées à améliorer l’offre, au double point de vue quantitatif et qualitatif.

Aujourd’hui, les épisodes récurrents de sécheresse, les restrictions d’usage associées et le contexte de crise ont donné un intérêt nouveau au débat sur la gestion de la demande en eau, en particulier sur les instruments économiques, financiers et fiscaux, tels que les prix et les taxes sur les prélèvements et les rejets.

Alors que dans le passé, la sensibilité des acteurs au niveau et à la nature des instruments de gestion était considéré comme très faible, l’expérience tout comme les travaux de recherche ont aujourd’hui clairement mis en évidence le rôle important que peuvent jouer ces instruments dans la gestion de la demande en eau.

Les instruments économiques utilisés dans la gestion de l’eau ont d’abord un objectif budgétaire, celui de financer les opérations d’aménagement, de traitement, de distribution, de dépollution, … Ils ont aussi un objectif écologique, celui d’assurer la préservation, quantitative et qualitative, de la ressource, en maintenant les prélèvements et les rejets à un niveau durablement compatible avec la disponibilité et la qualité de cette ressource.

Au-delà de l’identification des élasticités de la demande aux prix et aux revenus, de nouvelles recherches portent sur les modalités de l’accès à l’eau par les utilisateurs, notamment via l’arbitrage entre plusieurs sources d’approvisionnement, ainsi que sur l’évaluation des politiques de tarification des divers usages.

Ces problématiques et bien d’autres ont ainsi été l’objet de la Journée de réflexion sur « Les instruments économiques, financiers et fiscaux de la gestion de l’eau en France et dans le monde », co-organisée par l’Académie de l’Eau, l’ASTEE, la SHF et l’AFEID, en partenariat avec le Conseil Economique, Social et Environnemental, le 3 mai 2010, au Palais d’Iéna, 9 Place d’Iéna – 75016 Paris.

L’Académie de l’Eau a ensuite organisé à Lyon, en partenariat avec l’Agence Rhône Méditerranée, Corse (RMC), deux importants séminaires :

– le 23 février 2012, sur les politiques économiques de l’eau en Europe : comparaisons et enseignements ;

– le 17 octobre 2013, sur les outils pour une économie verte dans le monde de l’eau.

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