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Pour une démarche d’animation participative

Par Thérèse Oussematou Dameni, Coordinatrice de la Integrated Development Foundation

L’Integrated Development Foundation (I.D.F.) et le Groupe de Recherche et d’Échanges Technologiques (G.R.E.T.) sont à l’origine de cette action d’information, de formation, et de sensibilisation.

Les objectifs de cette action étaient de :

  •  Permettre une gestion cohérente des initiatives de développement au niveau de la ville.
  •  Faciliter les échanges et l’expression de tous les acteurs concernés.
  •  Animer un groupe où les enjeux sont partagés.
  •  Aboutir à la mise en place d’une instance de concertation.
  •  Faciliter  le changement de comportement.

Le public visé ici est la population entière de la ville de Bamenda et particulièrement la population vivant le long des bassins versants, celles des flancs du front de faille et enfin celles situées dans les zones d’inondations ou points noirs. Les populations habitants les zones à risques constituent 3/5 de la population et ces zones sont dans les quartiers pauvres.

L’étendue de l’action pilote se situe sur toute la ville de Bamenda qui est constituée de sept villages ; elle compte environ 250 000 habitants et couvre une superficie d’environ 110 km2.

Pour atteindre le public visé, nous avons procédé à de nombreuses descentes sur le terrain, des animations dans les quartiers ou dans les théâtres populaires, des annonces à la radio et dans la presse écrite, des enquêtes ménage, des enquêtes terrain, des interviews semi-directifs, la visite des associations, des autorités administratives et traditionnelles, des dîners-débat et des séminaires de restitution des résultats.

La Démarche d’Animation Participative (D.A.P.) :

La démarche d’animation participative a été retenue tout au long de la recherche comme un outil d’accompagnement susceptible de faire participer profondément les habitants et les autres acteurs tout en responsabilisant chacun d’eux. C’est une démarche de proximité basée sur la reconnaissance et le respect des forces, du savoir, de l’expérience des habitants et sur la conviction que ceux-ci ont eux-mêmes la capacité de connaître leur environnement et de trouver des solutions pour leur bien être. Cette démarche a permis de recueillir et d’analyser l’information sur des problèmes concrets et planifier des actions pour en faire face. Elle nous a permis une fois de plus de constater que les habitants sont ceux-là mêmes qui mènent la recherche. C’est une démarche qui respecte les coutumes, les valeurs et la culture des habitants. Au Cameroun, où il y a une multitude de coutumes, elle s’adapte très bien. Riches ou pauvres ont eu l’opportunité de s’exprimer et d’être écouté. C’est ainsi que pour évaluer les demandes des populations, la D.A.P. est utilisée pendant les réunions, les sessions de travail, les ateliers ou les séminaires pour l’identification des problèmes, leur hiérarchisation, le choix des solutions, la planification, l’exécution et l’évaluation.

La procédure de concertation et de participation : pour réussir la mise en place de la concertation et de la participation active de la population, nous avons fait l’étude du milieu avec les habitants. Cette étude du milieu s’est réalisée en cinq étapes importantes :

  •  Etudes techniques (cartographie).
  •  Collecte de données.
  •  Enquête ménage.
  •  Interviews semi-directives.
  •  Atelier de restitution et de validation.

ETUDES TECHNIQUES (cartographie):

La cartographie de la ville de Bamenda datait de 1980 et la nécessité de la mise à jour s’imposait. C’est ici l’occasion d’impliquer les habitants et les autres acteurs. Ainsi, les habitants et les autorités traditionnelles ont activement participé à l’identification des points d’eau, sources bornes fontaines, latrines, dépotoirs d’ordures ménagères, limites des quartiers… Les Départements Techniques de l’État ont appuyé la mise à jour des nouvelles infrastructures…

La carte a un enjeu très fort d’où un intérêt partagé entre divers acteurs ; ainsi elle peut faciliter le regroupement de ceux-ci. La carte permet de mettre en relief tous les problèmes d’eau sous toutes ses formes, dans les quartiers sous-équipés en particulier. Elle permet ainsi de sensibiliser l’opinion publique sur les conditions de vie des pauvres ; aussi, elle permet aux habitants de connaître, de comprendre leur environnement, et d’initier des actions pour sa mutation. La compréhension de leur environnement facilite leur participation à toute action de développement. Le travail de cartographie de la ville nécessite la collaboration franche et le travail en équipe de ces différents acteurs, les préparant ainsi à une concertation informelle qui se formalise presque automatiquement à travers un forum.

COLLECTE DE DONNEES :

Les données sur les maladies hydriques ont été collectées dans les hôpitaux, les centres de santé et les services d’hygiène de la Commune. Les données météo et pluviométriques ont été collectées pour une période de 5 ans. Certains hôpitaux négligent ces données, causant ainsi un grand tort au public. Notre passage dans certains services hospitaliers qui n’avaient pas leur statistique à jour a conscientisé les responsables à le faire. Ces données statistiques sont des indicateurs de la disponibilité d’eau potable à la population et l’assainissement de leur environnement.

ENQUETE MENAGE :

L’enquête ménage a permis de recueillir des données jusque là indisponibles sur l’eau et l’assainissement telles les structures des ménages, le mode d’approvisionnement en eau potable, l’assainissement des eaux usées et pluviales, la production et le ramassage des ordures ménagères. Cette enquête permet aussi de rencontrer à domicile les femmes et les enfants qui peuvent parler en toute liberté et contribuer ainsi à solutionner les problèmes d’eau et d’assainissement dans la ville. Les résultats des enquêtes n’ont malheureusement jamais été vulgarisés par manque de moyens financiers pour l’édition du rapport et la conduite d’un séminaire.

INTERVIEWS SEMI-DIRECTlVES :

Des interviews semi-directives réalisées auprès des institutions publiques, parapubliques, privées, dans des écoles, et quelques personnes ressources impliquées d’une manière ou d’une autre dans le problème d’eau et d’assainissement à Bamenda, nous ont permis de comparer ou de compléter les résultats de l’enquête menée.

Ainsi, nous savons avec précision comment la population de Bamenda s’approvisionnait en eau potable avant l’arrivée de la Société Nationale des Eaux du Cameroun (S.N.E.C.) ; le degré de satisfaction de la population de la S.N.E.C. est connu, les raisons du rejet de la S.N.E.C. par la majorité de la population sont connues ainsi que les actions à prendre par la S.N.E.C. pour remonter la pente ; les problèmes d’eau et d’assainissement dans les écoles sont innombrables et suscitent une étude particulière.

ATELIER DE RESTITUTION ET DE VALIDATION :

Les ateliers de restitution et de validation des résultats sont indispensables pendant le processus à toutes les étapes importantes.

Les partenaires sont les suivants :

  • Les O.N.G. : I.D.F., O.R.I.C.A.A., E.Y.P.I.C., Hurcled Centre. Ces O.N.G. ont pour rôle d’accompagner les processus, démontrer leurs capacités et s’inscrire dans les actions de développement.
  •  Les associations et comités des quartiers et habitants : ces acteurs veulent voir leurs conditions de vie s’améliorer, c’est ceux-là mêmes qui portent le processus.
  •  Les autorités traditionnelles : elles sont proches des populations et tiennent à rester partie prenante ; leur présence donne confiance aux populations qui restent très attachées aux coutumes et tradition.
  •  Les autorités administratives / locales : les sujets traités concernent leurs missions ; ces autorités ont un rôle d’appui technique et leur participation rend l’action plus crédible et validée par le Gouvernement.
  •  Les sociétés parapubliques : la Société Nationale des Eaux du Cameroun (S.N.E.C.) est partie prenante de l’action même si elle est en situation inconfortable (très controversée malgré sa légitimité) à Bamenda.

Les acteurs du projet sont nombreux et variés, et la méthode pour les mobiliser est aussi variée.

Développement des quartiers (C.A.D.) situés dans les zones à risque (bassins versants, flancs des fronts de faille, points noirs ou zones inondées).

S’agissant de cette catégorie d’acteurs nous avons procédé aux actions suivantes :

  •  Recensement dans les quartiers pour les identifier.
  •  Visite des associations, C.A.D. au cours de leurs réunions habituelles pour fixer mutuellement une date de rencontre pour parler particulièrement du sujet de la recherche « eau dans toutes ses dimensions », identifier les problèmes et rechercher des solutions.
  •  Renforcement de la dynamique interne de certaines associations et C.A.D. fragiles.
  •  Chaque association élit 2 représentants qui doivent participer aux réunions d’échanges formées des représentants de toutes les associations et C.A.D. contactés, avec lesquels un travail préliminaire avait été fait.

A ce niveau, deux personnes sont élues par les représentants pour représenter tous les C.A.D. et associations au comité de pilotage où les décisions sont prises en tenant compte d’une vision globale.

Les autorités traditionnelles (chefs des villages) :

Ici nous avions effectué une visite de courtoisie auprès des chefs des villages, communément appelés « Fon », pour leur parler du projet et leur présenter l’autorisation de circuler délivrée par le Sous-Préfet. Cette visite a pour objectif d’obtenir l’adhésion et le soutien moral de ces autorités traditionnelles qui ont une forte autorité sur leur population.

Les Fons convoquent les chefs des quartiers et I.D.F. à une réunion d’information, de travail et de planification. Un plan de descente est arrêté, chaque chef de quartier donne une date de rencontre dans son quartier. Ces derniers annoncent aux habitants de leurs quartiers la date retenue ainsi que l’objet à débattre.

Les autorités administratives et locales :

Une lettre de contact et une visite de courtoisie et de travail ont suffi pour faire participer les autorités administratives. Quant aux autorités locales, le bicéphalisme (le Président du Conseil de la Commune est élu alors que le Délégué du Gouvernement est nommé à la tête de la commune) a été une entorse principale à la participation réelle de la Commune.

Les sociétés d’Etat (Société Nationale des Eaux du Cameroun) et les O.N.G. locales, après avoir reçu la lettre de contact, une visite de courtoisie et de travail, ont participé à l’action.

Les simples auditeurs ont été impliqués grâce :

  •  aux séances d’animations dans les quartiers (championnats de football inter-quartiers, théâtres populaires, jeux et danses traditionnelles, sketch, visite et promenade-découverte des quartiers).
  •  au renforcement de la dynamique interne des associations et des C.A.D, qui a joué un rôle déterminant dans la mobilisation des différents acteurs dans les quartiers.
  •  aux journées de réflexion et des causeries éducatives.
  •  au remboursement des frais de transport qui a facilité la mobilisation des membres.

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